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Les carnets de mon accin
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La phrase : « Un navire qui sort du port en dansant la gigue, c'est comme prendre un mort et le payer à la fin du mois » n'est pas une devinette, mais une bizarrerie sans aucun sens, qui sert à se moquer des gens qui assemblent des mots dénués de sens en croyant dire je ne sais quelles choses profondes à la signification mystérieuse. C'était le cas pour beaucoup de villageois (te souviens-tu de monsieur Camedda ?) qui, pour faire étalage de culture, ramassaient dans les romans populaires de grandes phrases qu'ils introduisaient ensuite à tort et à travers dans la conversation pour ébahir les paysans. C'est ainsi que les bigotes répètent le latin des prières contenues dans la Philothée : te rappelles-tu que tante Grazia croyait qu'il avait existé une «dame Bisodia » très pieuse, si pieuse que son nom était toujours répété dans le Pater noster ? C'était le dona nobis hodie que, comme beaucoup d'autres, elle lisait donna Bisodia et qu'elle croyait être une dame du temps passé, quand tout le monde allait à l'Église et qu'il y avait encore un peu de religion sur cette terre. - On pourrait écrire un conte sur cette « dame Bisodia » imaginaire qu'on donnait en exemple : combien de fois tante Grazia aura-t-elle dit à Grazietta, à Emma et à toi aussi peut-être - « Ah ! c'est sûr, tu n'es pas comme dame Bisodia! », quand vous ne vouliez pas aller vous confesser pour Pâques. A présent, tu pourras raconter cette histoire à tes enfants : et n'oublie pas non plus l'histoire de la mendiante de Mogoro, de la musca maghedda et des chevaux blancs et noirs que nous avons attendus si longtemps. - Chère Teresina, je t'embrasse affectueusement.
Une photo prise ce week-end à Meaux (Seine-et-Marne), dans la rue du Grand-Cerf. Le portail est celui de l'ancienne église Saint-Christophe, détruite après la révolution et dont ne subsiste que ce portail classé monument historique. Jusqu'à il y a quelques années, les lieux étaient occupés par un antiquaire. Depuis quelques mois, c'est un magasin de lingerie... Le contraste est saisissant. Il achève, d'une certaine manière, la désacralisation du lieu. L'antiquaire renvoyait encore au passé, à quelque chose de traditionnel. De vieux objets au pied d'un monument historique ne choquaient en fin de compte que peu de gens, bien que l'activité fut entièrement profane. Mais il suffirait de montrer cette photo à quelques catholiques pratiquants pour voir les réactions d'hostilité apparaître : de la lingerie dans une église (qui n'en est plus une), mais où va-t-on ? Le lieu n'est pourtant plus sacré depuis longtemps. Il a même accueilli au XIXe siècle un cabaret. Mais la vision d'un portail immédiatement classé dans l'architecture religieuse provoque chez le croyant (mais est-ce seulement chez le croyant ?) l'impression d'être en présence d'un lieu sacré. Aussi la réaction première est un rejet catégorique : un magasin de lingerie, présentant des affiches de femmes dénudées, renvoie, dans l'imaginaire chrétien, au péché. Et quoi de plus incompatible que le péché et une église ? La réaction de rejet est également le fruit d'une lecture culturellement chrétienne du paysage : l'architecture gothique est associée au sacré. S'il y a des éléments gothiques, il y a donc église ; s'il y a église, il y a sacré qui demande une certaine décence. Cependant, un chinois qui passerait par là n'y verrait certainement pas la même chose... L'étiquette "sacré" est bien culturelle et quelque part ici anhistorique puisque deux cents ans après sa destruction, ce portail représente encore l'ensemble de l' ancienne église aux yeux du passant. La réaction hostile à cette photo pourrait également montrer que la désacralisation, en fin de compte, ne se décrète pas mais ne s'opère qu'après un processus assez long et complexe.J'ai été un homme profondément croyant. J'ai été un homme totalement incroyant. La contradiction est si flagrante que je ne sais pas comment vivre avec. Elle a éveillé en moi le soupçon que la signification profonde du verbe "croire" est encore à creuser, peut-être parce que croire est une démarche qui implique plus la vie de la communauté humaine que la psychologie de l'individu. Ni la langue employée par les communautés religieuses ni celles des athées n'ont favorisé la réflexion sur le sens de ce verbe.
J'ai souvent l'impression que l'explication est tout près, qu'elle est en quelque sorte en suspens et que beaucoup s'écrieront, à peine sera-t-elle mise en mots : "Mais oui, bien sûr ! C'est exactement mon cas !"
Ces gens sont ici, à côté de moi, dans l'église. Ils font un signe de croix, se lèvent, s'agenouillent, et je devine qu'il se passe dans leurs têtes la même chose que dans la mienne, c'est-à-dire qu'ils veulent plus croire qu'ils ne croient, ou alors qu'ils croient par périodes. Cela ne se passe probablement pas exactement de la même manière chez tout le monde, mais comment est-ce que cela se passe ? Tout permet de penser qu'il y a quelques centaines d'années, la signification de ce mot devait être différente, pour que dès le dix-septième siècle Pascal ait noter "Nier, croire et douter sont à l'homme ce que le courir est au cheval" et qu'au dix-neuvième siècle, Emily Dickinson ait dit : "Je crois et je ne crois pas cent fois par heure, ce qui laisse à ma foi de la souplesse". Etre avec eux, dans une église, est plus important que raisonner selon ses critères personnels - la plupart des personnes rassemblées dans l'église ne ressentent-elles pas et ne pensent-elles pas la même chose, fournissant une occasion de se plaindre de la religion rituelle tout en accomplissant un acte d'humilité ?
Peut-être suis-je assez près pour dire : "C'est chaud, je brûle !", quand j'ai une vision soudaine de toute l'assemblée nue : des créatures animales des deux sexes, avec leur pilosité, leur sexe, leurs déformations exposées à la vue, s'unissant dans un rite d'adoration immatérielle. Que peut-il y avoir de plus extraordinaire ? (p. 17-18)

"Toutes les démocraties modernes ne nomment pas Dieu. Les discours politiques officiels de chefs d'Etat démocratiques ne nomment ou n'invoquent Dieu que dans de très rares pays dont je n'ai pas fait le compte. S'y marque une différence très signifiante : par exemple, avec une démocratie laïque comme la France, dans laquelle Dieu n'est pas nommé dans la Constitution et où il est exclu qu'un homme politique nomme Dieu dans un discours officiel, surtout un chef d'Etat, même s'il est personnellement croyant." (p. 114)
Un panda en peluche pendu à l'étage d'une maison en construction. La photographie a été prise par mes soins en août 2007 à Korça (Albanie). Elle pose très bien la question de la coexistence entre croyance et incroyance. Lors de mon premier séjour en Albanie, en 2004, j'avais remarqué la présence, sur certaines maisons de Tirana, de peluches ou de poupées accrochées à une fenêtre ou à un balcon. Ne disposant pas encore de la clé d'interprétation, je n'y voyais alors que des jeux d'enfants, même si je m'étonnais du manque de réaction des parents laissant traîner négligemment ces jouets recouverts rapidement de la poussière des rues. D'ailleurs, personne dans mon entourage albanais ne s'étonnait de ce laisser-aller. Ils pouvaient passer plusieurs fois par jour devant sans vraiment s'en soucier, sans réagir. C'est un peu plus tard que j'appris la signification, ou plutôt devrais-je dire, l'utilité de cette pratique. Il s'agit en réalité de protéger la maison contre le mauvais oeil. La poupée ou la peluche, par la curiosité qu'elle inspire, détourne le regard du porteur du mauvais oeil vers elle, préservant par ce biais la maison. J'ai commenté sur le blog Paris-Tirana un article de Kristin Peterson-Bidoshi à ce sujet et je vous y reporte pour plus de détails.